Au-delà de ce premier aspect, le risque infectieux nous rappelle avec la force de l’évidence l’interdépendance entre les individus. C’est tout le paradoxe du confinement actuel : isolés chez eux, les individus n’ont jamais autant œuvré pour la restauration du collectif. La santé de chacun n’est plus, comme dans le cas des maladies cardio-vasculaires et dégénératives, la conséquence de comportements individuels : elle dépend de la responsabilité de chacun vis-à-vis du collectif, et, inversement, de la capacité du collectif à prendre en charge la santé du moindre de ses membres. Le propre des virus que cette pandémie vient nous rappeler, c’est de ne reconnaître aucune frontière, ni sociale, ni politique : aucune barrière, aucun mur ne prémunira durablement les sociétés d’un risque de contagion, d’un « cluster » prêt à essaimer.
En sus du nécessaire renforcement du rôle de l’OMS dans la mise en œuvre de politiques de prévention actives, cette réapparition du sentiment d’interdépendance doit être accompagnée pour ne pas qu’émerge une société de défiance généralisée. Un récent sondage (28) sur l’acceptabilité d’une application téléphone pour tracer les contacts des porteurs du Covid-19 montre que près de 75% des répondants installeraient probablement ce type d’application si elle existait. Quelle appréciation sociale serait faite d’un individu refusant d’installer une telle application ? Ce refus doit-il simplement être autorisé lorsqu’il est susceptible de mettre en danger le collectif ? Il est probable que cette crise sanitaire et sa pénétration dans l’imaginaire collectif incitent à l’émergence d’une société de la transparence médicale : ainsi, est-il possible que la circulation des personnes soit à l’avenir soumise à la production de tests d’immunité, comme le carnet de vaccination international est actuellement demandé à la frontière de nombreux États. Mais il y a un monde entre un simple carnet de carton et les données de son téléphone portable. Pour que le régime de transparence individuelle que l’on pressent ne se transforme pas en société de défiance, les pouvoirs publics se doivent de jouer un rôle actif afin de garantir non seulement l’anonymat des utilisateurs mais également l’effacement des jeux de données (29). Ce positionnement public ferme doit constituer le socle d’un nouveau « système providentiel » sur lequel asseoir une confiance et un pacte citoyen renouvelé.
[1] Jin Wu, Weiyi Cai, Derek Watkins and James Glanz, « How the Virus Got Out », The New York Times, 22 mars 2020
[1] La France a également disposé d’un stock stratégique important. Créé en 2007, l’Établissement de préparation et de réponses aux urgences sanitaires disposait en 2009, dans le contexte de l’épidémie de H1N1, d’un milliard de masques anti-projections, destinés aux malades, et de 900 millions de masques de protection, dits « FFP2 ». En 2013, la doctrine de gestion des stocks stratégiques est modifiée, avec transfert de la protection des travailleurs aux employeurs. En 2016, les missions de l’EPRUS sont intégrées au sein d’un nouvel établissement Santé publique France.
(3) Cf. Fondation Jean Jaurès …
(4) Comme Haïti, par exemple, dont 32% du PIB en 2018 vient de ces transferts
(5) Aux Maldives, cas extrême, 75% du PIB dépend directement, et indirectement, du tourisme et les réserves en devises ne dépassent pas 2 mois d’importations.
(6) Ce dont la Chine, qui n’a pas accès aux swaps, pourrait bénéficier.
(7) Ceux-ci viennent augmenter les réserves des banques centrales et permettent aux pays en développement de procurer des « hard currencies ».
(8) La France vient de faire enfin une proposition en ce sens
(9) Depuis, le chèque de 1500 dollars pour tous les ménages a amélioré la situation.
(10) Terra Nova, mars 2020
(11) Larry Summers « U.S. economic prospects: secular stagnation, hysteresis, and the zero lower bound », Business Economics, 49, p.65-73, 2014