*Une crise de l’avoir*
Des crises économiques, nous en avons connues. Mais celle-ci est différente. Cette récession ne ressemble que très partiellement à celles que nous avons connues parce qu’elle mêle un choc sur l’offre et un autre sur la demande.
*Un choc sur l’offre et un choc sur la demande*
Nous pouvons difficilement éviter les conséquences en termes d’emplois du choc sur l’offre. Celui-ci résulte des consignes de confinement qui, par défaut, se sont révélées indispensables du point de vue sanitaire. Avec une partie de la force de travail confinée pour une durée indéfinie, il est inévitable que la production chute. Des entreprises vont réduire leur effectif d’autres vont fermer. Ces emplois-là sont perdus, sans doute pour assez longtemps. C’est ce qui se passe en cas de catastrophe naturelle, mais elles ne touchent généralement qu’une partie de l’économie.
Certaines de ces entreprises seront peut-être sauvées par l’État. Et le recours à des « nationalisations temporaires », que je ne concevais que pour des raisons peu fréquentes d’indépendance nationale (3), peut en sauver certaines mais pas toutes.
Le choc sur la demande a évidemment plusieurs causes qui se cumulent. Les revenus d’une partie de la population qui s’évanouissent, les consommations jugées non indispensables qui sont reportées, celles qui sont rendues impossibles par le confinement, et, comme « mes dépenses sont vos revenus » la demande faiblit encore. C’est le cycle bien connu de la récession.
A cela s’ajoute la fonte des actifs financiers. Dans une récession classique, la gestion la plus sage des actifs financiers consiste à attendre le retour à la normale si on n’est pas obligé de vendre pour une raison ou une autre. Ici, le retour à la normale ne se fera pas comme avant. Certains actifs financiers vont tomber à zéro parce que les entreprises qu’ils représentent vont fermer dans des proportions plus grandes que dans les crises précédentes. Cette fonte des actifs financiers renvoie à des comportements de précaution qui dépriment encore plus la demande globale. Ce « risque de ruine » de certains épargnants avait largement disparu depuis la Grande Crise, le voilà de retour.
C’est cette simultanéité des chocs d’offre et de demande qui rend la situation présente si exceptionnelle et si dangereuse.