*Les limites de l’action monétaire*
La riposte a commencé et les banques centrales jouent leur rôle en inondant le marché de liquidités. Contrairement à la crise de 2008, ces dernières se sont montrées particulièrement rapides et coordonnées. Dès le 3 mars, la FED a baissé ses taux de 50 points de base, suivie par la banque d’Angleterre les 11 et 19 mars. Le 15 mars, les taux de la FED tombent à zéro. Dans le même temps, les interventions non-conventionnelles se déploient en reprenant les instruments développés depuis 2008. Le 18 mars, la BCE annonce un programme d’acquisition de titres pour une enveloppe totale de 750 milliards d’euros. La coordination des banques centrales, sous le leadership de la FED, tranche avec la réponse décousue de la Maison Blanche. Le 15 mars, la Fed a étendu ses « swaps » à neuf nouveaux pays confrontés à une évaporation du dollar avant d’ouvrir une facilité « repo » aux banques centrales souhaitant troquer leurs obligations du Trésor américain contre des dollars (6).
Mais ceci n’atteindra que par ricochet les économies émergentes qui ne disposent pas d’une banque centrale susceptible de remplir ce rôle. En revanche, il est possible d’utiliser un mécanisme qui a déjà fait preuve de son efficacité dans la crise financière mondiale : les Droits de Tirage Spéciaux (7) du FMI. Rien n’empêche de les réactiver ; rien, sauf l’allergie américaine à tout ce qui ressemble à une action multilatérale, allergie que la tiédeur des Européens n’aide pas à contrebalancer (8). Allègement des dettes des pays à bas revenus et émission massive de DTS sont aujourd’hui un passage obligé pour contribuer à éviter une catastrophe économique dont les conséquences rejailliront au-delà des rives de la Méditerranée.
Avant la crise actuelle, l’Europe avait déjà le plus grand mal à gérer l’afflux de quelques centaines de milliers de migrants se pressant à ses portes. Qu’en sera-t-il lorsque, poussés par l’effondrement de leurs économies nationales, ils seront des millions à tenter de forcer le passage. Même si cela peut sembler éloigné de l’urgence présente, même si les opinions publiques ont d’autres soucis à faire valoir, il est du devoir des gouvernants de prévoir les crises après la crise. Pour les Européens, faire bloc pour étendre l’efficacité des mesures monétaires qu’ils prennent pour eux-mêmes aux pays émergents à commencer par l’Afrique est une nécessité absolue.
Toutefois, l’action monétaire a ses limites et, comme c’est le cas pour toute catastrophe naturelle, les soutiens budgétaires doivent être mobilisés. Ils le sont en partie et les mécanismes de soutien comme l’extension du chômage partiel en France vont dans le bon sens. Mais ils sont insuffisants face à l’ampleur du choc. On ne peut soutenir l’offre en ne finançant que l’offre et c’est sans doute la plus grande faiblesse du plan de soutien initial proposé par Trump (9). Par ailleurs, si en 2009 la Chine avait engagé un plan de relance titanesque pour soutenir son économie et tirer la croissance mondiale, le pays semble pour l’instant plus frileux. Il est vrai que la marge de manœuvre chinoise est aujourd’hui plus faible : la croissance a fléchi et la dette totale du pays, publique et privée, dépasse 300% du PIB, contre 170% avant la crise des « subprimes ». Si bien que les mesures annoncées par Pékin ne dépassent pas pour le moment 1,2% du PIB.