Bien entendu, une partie de ce soutien finira en hausse des prix. Quand l’offre est contrainte par le confinement, la capacité de production est obligatoirement limitée. Mais cette pression à la hausse des prix, outre qu’elle ne sera pas malvenue par ailleurs, constituera un soutien à l’appareil productif aussi efficace que les mesures financières qui lui seront proposées.
C’est ce que montre le _graphique I._ Dans cette présentation classique des courbes d’offre et de demande globale avec un choc sur la demande sans doute plus fort que celui sur l’offre, on voit comment une partie des pertes de production est impossible à éviter à court terme mais aussi comment les dégâts peuvent être limités par une politique appropriée sur la demande. En outre, le risque de ne rien faire peut considérablement aggraver la situation. La baisse de la demande, non compensée par des mesures de soutien, va créer un deuxième choc sur l’offre et ainsi de suite. La spirale déflationniste est alors en marche avec ses conséquences funestes.
Forcément, ces mesures de soutien de la demande ne joueront à plein que lorsque le confinement sera progressivement levé, permettant à la production de repartir. Mais il faut qu’elles soient à l’œuvre tout de suite, d’une part pour être en place le moment venu, d’autre part pour combattre l’angoisse des consommateurs qui ne peut que les pousser à thésauriser ce qui est l’inverse de ce qui est souhaitable.
A moyen et long terme, les cartes sont rebattues
*a/ La mondialisation des échanges s’est évidemment accompagnée d’une nouvelle division internationale de la production. La faiblesse relative du coût du travail dans les économies émergentes combinée au développement des moyens de communication a été à l’origine d’une croissance sans précédent du commerce international. Ceci concerne à peu près tous les secteurs à commencer par l’automobile et l’électronique.*
C’est cette division internationale du travail qui est en cause aujourd’hui. La critique n’est pas nouvelle et la crise sanitaire agit surtout comme un révélateur. Les détracteurs ont été nombreux.
Pour les uns, considérés comme des idéalistes, c’était l’absurdité écologique de faire transiter vingt fois des marchandises d’un bout à l’autre de la planète qui était en cause, en particulier pour les chaînes de valeur alimentaires. Pour les autres, considérés comme des doctrinaires, c’était la dénonciation d’un système permettant aux habitants des pays riches de continuer à profiter de la rente coloniale. La mondialisation « stade suprême du capitalisme » en quelque sorte. Pour d’autres enfin, considérés comme pessimistes, c’est la sécurité des approvisionnements qui était visée. On pense ici évidemment à la sécurité sanitaire ; 90% de la pénicilline consommée dans le monde est produite en Chine. C’est aussi le cas avec les terres rares dont la Chine détient de facto un monopole de production alors même qu’il s’agit de composants essentiels à l’ensemble de l’industrie électronique et de communication.
Tous avaient partiellement raison et il est fort probable que la crise conduise à des formes de relocalisation de la production, régionales sinon nationales.
La mondialisation qui est en cause n’est pas l’ouverture sur le monde ni la conscience d’une humanité planétaire, celle-ci progresse lentement depuis longtemps, c’est ce que qu’Hubert Védrine appelle l’américano-globalisation de ces dernières décennies : « Celle qui a débuté dans l’après-guerre, qui s’est accélérée avec la réorientation de la Chine vers le marché par Deng en 1979, puis avec le duo Thatcher-Reagan au début des années 1980 et la dérèglementation financière sous l’influence de l’École de Chicago, et qui s’est enfin généralisée dans les années qui ont suivi la disparition de l’URSS fin 1991, disparition que les Occidentaux ont interprétée – à tort ! – comme la fin de l’histoire. (10) »