Situations du monde après la crise COVID-19

Cette mondialisation n’a pas fait que des perdants. Les salariés des pays émergents travaillant dans des secteurs exportateurs (et par ricochet les autres) ont évidemment bénéficié d’une élévation de leur niveau de vie liée à des salaires plus élevés. Quant au consommateur des pays développés, il n’a pas longtemps hésité à se tourner vers ces produits importés pour bénéficier de la rente qu’ils portaient en eux. Et ce dernier ne renoncera pas aisément à une part significative de son pouvoir d’achat.

La relocalisation d’une partie de la production aura un coût mais la crise que nous vivons peut suffire à en faire la pédagogie.

*b/ Au-delà des formes que prendra la mondialisation, la crise peut permettre aux économies développées de sortir de l’impasse dans laquelle la croissance économique s’est perdue.*

Le débat est bien connu qui a été relancé par Larry Summers en 2014 (11). Reprenant le terme introduit par Hansen en 1939, il décrit un retour à la stagnation séculaire qui avait nourri tant de débats après la crise de 1929 : il s’agit d’un équilibre de sous-emploi dont les économies n’arrivent pas à sortir à cause d’un taux d’intérêt faible associé à une inflation quasi inexistante sur les marchés de biens et services quand le prix des actifs financiers est au contraire en hausse sensible. Le progrès technique dégage peu de nouveaux produits, les innovations entraînent surtout des économies de capital, l’investissement fléchit et il est impossible de le relancer parce que les taux d’intérêt sont déjà à zéro. L’épargne est alors surabondante. Elle ralentit la croissance économique faute d’un investissement public significatif limité par un endettement jugé déjà excessif au regard de ratios dette/PIB considérés comme insoutenables. Au cours des dernières décennies, l’ingénierie financière a soldé l’équation tout en provoquant des crises financières récurrentes qui masquent la réalité de l’économie réelle.

Face à cette situation de stagnation que connaissaient peu ou prou les économies développées, la crise économique, détruisant du capital, peut fournir une voie de sortie. Les opportunités d’investissement créées par l’effondrement d’une partie de l’appareil de production, comme l’effet sur les prix de mesures de soutien, peuvent relancer le processus de destruction créatrice décrit par Schumpeter. Son entrepreneur gagnerait alors sur le terrain la bataille théorique qu’il avait engagée, il y a longtemps, aussi bien contre les stagnationnistes optimistes comme Keynes que pessimistes comme Marx.

C’est ce renouveau de l’offre rendu possible par un choc aussi violent qui justifie les mesures prises par les gouvernements en faveur du secteur productif. Elles seront dérisoires sans mesures de court terme sur la demande, mais indispensables à la reconstruction de l’appareil de production.

*c/ Un autre élément doit retenir l’attention : celui des inégalités.*

Au niveau national, certaines professions peuvent travailler – au moins en partie – à domicile, pour d’autres c’est beaucoup plus difficile voire impossible. Mais ceci ne touche pas de la même façon les différentes parties de la population. Le graphique II (12) qui concerne les États-Unis, illustre cette situation qui justifie un soutien accentué des salariés les moins qualifiés.

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