Au niveau international, l’accent a beaucoup été mis ces dernières années sur le fait que si la crise des « subprimes » avait eu pour conséquence une considérable augmentation des inégalités entre individus, en revanche les inégalités entre pays, elles, diminuaient régulièrement. La crise actuelle risque de remettre totalement en cause ce constat. À court terme, en raison des conséquences possibles, et même malheureusement probables, de la crise sur les économies de nombres de pays à bas revenus. À moyen terme, parce que la relocalisation de certaines activités, qui a une grande probabilité de se réaliser, se fera à leurs dépens. C’est ce qui rend encore plus indispensable le soutien de ces économies qui a déjà été évoqué.
*d/ L’avenir économique, difficile dans tous les cas, est largement entre nos mains.*
*Les gouvernements ont déjà commencé à agir comme le montre le graphique II (13). Mais ce graphique fait apparaître plusieurs faiblesses.*
D’abord, l’ampleur très différente des stimuli déjà décidés (en rouge). Ensuite, la part prépondérante prise par les garanties d’emprunt, ce qui est certes utile, mais ne concerne que très indirectement le soutien à la demande des plus démunis. Enfin, l’absence de coordination dans la réponse alors que ce qui avait fait le succès de la relance de 2009 c’est qu’elle avait été largement coordonnée entre les principaux acteurs (14).
L’Union européenne a la possibilité, et pour moi le devoir, de fournir des éléments de réponse mais la mollesse du Conseil européen du 26 mars dernier et la pantomime de l’Eurogroupe ne poussent pas à l’optimisme. Le point principal est celui de la mutualisation budgétaire entre les États membres pour pouvoir mener une action significative (15).
*Trois instruments sont en cours de discussion au sein de l’Eurogroupe :*
_un soutien de l’ordre de 100 milliards d’euros aux mécanismes de chômage partiel ;_
_un mandat plus vigoureux donné à la BEI qui peut prêter ou garantir des prêts ;_
_une adaptation à la situation présente du Mécanisme Européen de Stabilité (16)._
Mais, chacune de ces options passe à côté du sujet central qui est celui d’une réponse budgétaire mutualisée afin de ne pas mettre en péril la soutenabilité de la dette des pays les plus fragiles. Évidemment, tout ceci renvoie au débat sur la création des coronabonds et, plus généralement, sur la capacité d’emprunt de l’Union dont l’absence se fait aujourd’hui cruellement sentir. C’est également un enjeu politique : la BCE ne pourra pas longtemps mutualiser les dettes par le truchement des opérations de marché sans qu’un soutien politique explicite se manifeste.
*Deux voies sont envisageables.* La première serait une demande explicite des États de monétiser le surplus de dettes ; mais c’est une remise en cause de l’indépendance de la banque centrale. La seconde est d’avancer avec ceux qui le veulent pour émettre conjointement de la dette nouvelle afin de financer à la fois les coûts de la réponse sanitaire immédiate, de la solidarité internationale qui sera nécessaire notamment envers l’Afrique et enfin un plan de relance massif une fois l’urgence sanitaire passée. Le choix s’énonce donc simplement, il faut rompre l’un ou l’autre de ces deux tabous : l’indépendance de la banque centrale ou l’unanimité des États membres.