Les politiques de l’IUS envers Haïti ont été préjudiciables au développement économique et à l’autonomie du pays. En 1984, sous l’administration Duvalier (« Baby Doc »), les États-Unis ont abattu plus d’un million de porcs noirs dans les zones rurales d’Haïti et les ont remplacés par des porcs étrangers importés, que les paysans haïtiens à faible revenu ne pouvaient pas se permettre d’élever. Avant ce crime impérial, les paysans haïtiens dépendaient de l’élevage de porcs pour nourrir leur famille, donner une éducation à leurs enfants et maintenir une vie économiquement indépendante. Les politiques commerciales de l’administration Clinton avaient détruit la culture et la production de riz haïtiennes, et elles avaient accru la pauvreté et la famine en Haïti, et accru la dépendance économique du pays vis-à-vis du marché américain. De toute évidence, des décennies de produits bon marché, notamment du riz en provenance des États-Unis et d’autres formes d’importations en Haïti, ont détruit l’agriculture locale et la production de produits haïtiens. Dans les années 1990, le président Clinton a encouragé le pays en développement d’Haïti à réduire considérablement les droits de douane sur le riz américain et d’autres produits subventionnés importés. En 2010, il s’est excusé publiquement pour sa politique capitaliste destructrice envers Haïti et a affirmé à la commission des relations étrangères du Sénat américain : « Cela a peut-être été bon pour certains de mes agriculteurs de l’Arkansas, mais cela n’a pas fonctionné. C’était une erreur. « J’ai dû vivre chaque jour avec les conséquences de la perte de capacité à produire une récolte de riz en Haïti pour nourrir ces gens à cause de ce que j’ai fait. Une telle politique commerciale a aggravé les difficultés économiques d’Haïti et son incapacité à être autosuffisante. Philippe Girard, éminent historien de la Révolution haïtienne et de l’histoire nationale d’Haïti, fait cette observation importante sur les relations américano-haïtiennes dans son livre intitulé Haïti : La Histoire tumultueuse – De la perle des Caraïbes à la nation brisée :
Les États-Unis ont joué un rôle central en Haïti au cours des deux cents dernières années. En plus d’envoyer régulièrement des troupes en Haïti, en particulier au cours de la dernière décennie, les États-Unis ont été le principal partenaire commercial du pays, la destination préférée des exilés haïtiens et un gorille politique de six cents livres dont le soutien (ou l’absence de soutien) peut jeter les Haïtiens dirigeants en poste et en poste (p. 13).
Les lecteurs intéressés qui voudraient en savoir plus sur des sujets et des événements historiques interdépendants devraient lire les livres suivants :
· Paul Farmer, Les usages d’Haïti (1994)
· Robert Debs Heinl, Jr., et Nancy Gordon Heinl, Written in Blood: The Story of the Haitian People, 1492-1971 (1978)
· J. Michael Dash, Culture et Coutumes d’Haïti (2001)
· Robert Fatton Jr., Racines du despotisme haïtien (2007)
· Laurent Dubois, Haïti : Les répliques de l’histoire (2012)
· Alex Dupuy, Haïti : Des esclaves révolutionnaires aux citoyens impuissants : Essais sur la politique et l’économie du sous-développement, 1804-2013 (2014)
· Chantalle F. Verna, Haïti et les usages de l’Amérique : Post-U.S. Promesses d’occupation (2017)
Enfin, l’autre aspect de votre première question porte sur les triomphes d’Haïti. On constate que depuis 1804, le peuple haïtien a connu plus de défis et affronté plus de traumatismes que de vivre des moments de triomphe. Néanmoins, je voudrais souligner cinq moments historiques de triomphe dans notre histoire :
· La Révolution haïtienne qui a mis fin à l’esclavage et à la domination blanche à Saint-Domingue le 18 novembre 1803, à la bataille de Vertières, la dernière guerre qui a mené à notre glorieuse indépendance et à la fondation de la nation haïtienne ; en conséquence, Haïti a servi de phare de lumière à tous les peuples asservis et opprimés dans le monde.
· La naissance de la seule République noire libre du monde moderne le 1er janvier 1804.
· La chute du Régime Duvalier en 1986, symbole de la volonté expressive et de la détermination collective du peuple haïtien.
· L’élection démocratique réussie de Jean-Bertrand Aristide en 1990 et 2001, respectivement ; ces deux élections historiques avaient ravivé l’optimisme haïtien et renforcé la solidarité et l’unité du peuple haïtien vers une meilleure démocratie haïtienne et des possibilités futures dans le pays.
· Toutes les tentatives faites par nos ancêtres pour résister à l’esclavage humain à diverses époques historiques de l’époque coloniale et leur lutte collective pour gagner leur liberté doivent être considérées comme des moments héroïques de triomphe dans notre histoire ; en conséquence, dans la société haïtienne moderne, toutes les tentatives faites par le peuple haïtien pour dire NON au totalitarisme politique, NON à la dictature et NON à la violence et à la mort orchestrées par l’État, et OUI à la démocratie, OUI à la liberté collective, OUI à la démocratie populaire , et OUI aux droits de l’homme et à la liberté de la presse sont des moments mémorables de victoire dans nos archives nationales.
2) La France a forcé Haïti à payer des réparations au 19ème siècle après avoir combattu pour sa liberté et payé pendant plus de 100 ans. Comment le poids économique du remboursement de plus de (l’équivalent de) 20 milliards de dollars américains s’est-il accru dans le pays au fil du temps ? Et y a-t-il un mouvement pour récupérer cet argent ?
Avant de répondre à cette question. Il est important de comprendre le contexte historique dans lequel Haïti a dû payer à la France cette grosse somme d’argent pour la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti. C’est le président Jean-Pierre Boyer, qui a gouverné Haïti pendant vingt-sept ans (1818-1843), qui avait accepté de payer des réparations pour l’esclavage. Sous la présidence de Boyer, les deux pays de l’île d’Hispaniola (Haïti et la République dominicaine) sont unis. Boyer a hérité d’une structure politique de son prédécesseur le président Alexandre Pétion ; c’était un dictateur qui a écrasé toute opposition et dissidence politique. Comme Pétion, il était soucieux de sauvegarder la liberté et l’indépendance d’Haïti et contre les menaces extérieures, notamment françaises. Il a conquis la partie est de l’île pour protéger l’indépendance d’Haïti, au cas où les Français tenteraient de recoloniser le pays par la partie est. Le roi Henri Christophe dans le Nord s’inquiétait également d’éventuelles attaques des Français, mais il rejetait l’idée de la France de réparations pour l’esclavage. En 1814, lorsque la France a tenté de rétablir l’esclavage et de renvoyer les maîtres de plantation et les colonisateurs en exil en Haïti, le misérable Empire français a échoué dans sa tentative en raison de la forte résistance haïtienne et de l’autodétermination générale du peuple haïtien à rester libre et indépendant. Vers le milieu des années 1820, les planteurs de Saint-Domingue finirent par comprendre que la France impériale ne parviendrait pas à reconquérir Haïti indépendante et qu’ils n’allaient pas revenir à la Perle des Antilles, qu’ils exploitaient et suçaient son sang. Néanmoins, ils ont fait pression sur le gouvernement français pour obtenir une compensation pour leur perte économique associée à la Révolution haïtienne. Avant Boyer, en 1814, le président Pétion avait convenu avec le roi Charles X de France qu’Haïti verserait une indemnité de 15 millions de francs pour dédommager les planteurs et anciens colonisateurs français en exil ; en retour, la France reconnaîtrait l’indépendance d’Haïti. Cette promesse sera tenue en 1825 sous la présidence de Boyer.
Boyer signa les termes et conditions de l’indemnité le 11 juillet 1825. C’était bon pour la France, mais mauvais pour la jeune République d’Haïti. Selon l’ordonnance royale, la République d’Haïti paierait 150 millions de francs (l’équivalent de 20 milliards de dollars américains aujourd’hui) pour indemniser les anciens colons qui ont demandé des dommages collatéraux pour leurs pertes de revenus provenant de l’esclavage mobilier et de l’économie de plantation. (À l’époque, l’indemnité versée à la France était plus de 10 fois le budget annuel total d’Haïti. En 1825, la République d’Haïti n’existait que depuis 24 ans ; quel genre de progrès économique et de développement un petit pays comme Haïti pouvait-il faire en 24 ans, compte tenu des effets durables de l’esclavage occidental et de la colonisation dans la nouvelle nation ? Il est également important de noter qu’au cours de ses 25 premières années, aucun pays du monde occidental ne s’engagerait légalement à commercer et à échanger des biens avec L’accord royal était qu’Haïti paierait la France en cinq versements égaux, commençant en décembre 1825 et se terminant en 1830. Le roi Charles X savait que la jeune nation d’Haïti ne pouvait pas se permettre de payer cette grosse somme; La France connaissait aussi le budget annuel d’Haïti depuis 24 ans. À cette époque, l’économie et les productions nationales d’Haïti n’étaient pas substantielles, et la jeune nation était encore en train de se développer et de se trouver politiquement, économiquement et stratégiquement. La réaction du peuple haïtien face à la décision de Boyer a été négative et furieuse ; ils ont contesté l’accord donnant la faible efficacité économique du pays. L’historien Laurent Dubois dans son excellent livre, Haïti : les répliques de l’histoire, commente cet échange impérial tragique, la dette d’Haïti envers la France :
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Haiti en un clin d’œil !!??
Je dirais plutôt Rappel sur la grande et stupéfiante histoire d’Haïti. Les faits sont racontés et décrits avec beaucoup de détails. Des tranches d’histoire qu’on a oublié, méconnu ou mal compris sont repris ici dans l’ordre chronologique. En effet, notre histoire est une histoire hors pair, unique, captivante qui devrait inspirer surtout la jeunesse d’aujourd’hui afin de comprendre que Haïti n’est pas seulement cette image dégradante qui défile sous nos yeux depuis quelques temps. Frantz encore une fois, ce travail est une mine d’or, une belle contribution pour tes lecteurs acides de connaissance. Bon travail cher ami!!