Une histoire du terroir pour nous sortir de quelques tabous

Le zombi

Malgré son incrédulité, la curiosité de Malice l’emporta. Il se posta quelques jours derrière le manguier dans le carrefour boueux indiqué par Guy-Robert. Des jours et des nuits défilèrent et passèrent et pas de Bouki. Alors qu’il se lassait d’attendre… Krik!”

-Krak! rechantaient les enfants.

Encouragé, le poète Haïtien continuait son conte:

“- … dans le clair-obscur d’une nouvelle lune enveloppée d’un nuage qui filtrait un crachin, il vit bouger en file indienne un paquet d’hommes blêmes comme des citrons pourris, la mine lugubre, tous courbés portant des fourches, des faux, des pelles, des pioches, des houes, des bêches, des marteaux, des faucilles… et parmi eux, apparu Bouki maigre comme un os. Les yeux rouges comme des groseilles, il tanguait comme un canot en mauvais temps, en poussant faiblement une brouette vers le champ de patates douces.

Sans faire ni une, ni deux, Malice s’approcha et le tira vers sa cachette wap! La brouette se renversa sur le côté blip!

-Bouki, mon Bouki!

Malice embrassait Bouki pioup-pioup! Il bousculait son ami qui le laissait faire sans broncher.

-Et moi qui croyais que tu étais mort. Je me sentais moitié sans toi. Quel miracle! Dieu a entendu mes prières.

De vraies larmes coulaient sur les joues de Malice qui gesticulait de joie.

Bouki écrasé, l’air hagard et sans force comme un bwa-bwa (pantin) de carnaval du mercredi des cendres, répétait mécaniquement:

-Je suis un zombi, un corps sans âme. Je suis un zombi, un corps sans âme au service de Louwa éternellement.

-Je te ressusciterai Bouki. Jusqu’ici je n’ai fait que te couillonner avec mes malices. C’est à cause d’eux que tu es dans cet état. “Kriye viv pou moun ki fè ou viv!” (Glorifions ceux qui nous font vivre et nous honorent!) Tu ne m’as jamais fait de mal Bouki. Dès maintenant, je vais te traiter avec respect et bonté mon compère.

Cracra de crottes, Bouki empestait pire qu’un bouc. Le regard immobile et glauque, il reprit sa brouette et suivit les autres zombis à la queue leu leu:

-Je suis un zombi, un corps sans âme. Je suis un zombi, un corps sans âme au service de Lwa éternellement.

Oui! C’étaient des zombis. Les zombis sont des morts vivants.” chuchota l’Haïtien dans un silence où on entendait une mouche voler.

-Comment peut-on être mort et vivant? avait osé interrompre Damida.

“-Un zombi est un cadavre ambulant, un corps sans vie qui marche, un homme mort-vivant veut dire qu’il est vivant, mais puisqu’il n’a plus de volonté et ne pense pas lui-même, il n’a pas son propre esprit et est manipulé par les autres. Et même une femme peut être un zombi. Il y en a partout dans le monde de ces gens qui n’ont pas le choix. Ils font uniquement ce que les autres leurs dit de faire. Ils vivent d’après ce que les autres pensent, disent et font. C’est aussi une mort. Si un copain vous dit “Viens! On va voler la marchande.” et que vous le suivez, vous êtes un zombi.”

M. Alexis fît une petite pause.

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