Une histoire du terroir pour nous sortir de quelques tabous

 

-Et maintenant, amène nous ton compère et les sacrifices, lui ordonna la manbo.

Malice déposa sur une table, une conque de lambi, une bouteille de rhum, une poule, un paquet de farine de maïs, de la poudre rouge, un coq noir et un coq blanc et plusieurs colliers de perles!

-Tu as de la chance que nous ne te demandons que ces simples sacrifices, parce que tes plaisanteries sont méchantes. On ne fait pas du mal à son ami. L’amitié est sacrée. Et maintenant va chercher ton Bouki!

-Après ses dons, Malice alla reprendre sa cachette sous le manguier. Lorsque Bouki-zombi passa en traînant des pieds avec sa brouette, il s’approcha de lui par derrière, l’attrapa, lui passa sac de riz par dessus la tête et le traîna jusqu’au hounfo de la cérémonie. Les « ounsi » s’emparèrent rapidement de Bouki. En compagnie du « oungan » (le prêtre), la « manbo », la poule et le coq, ils s’enfermèrent dans le « djevo » (une chambre d’initiation). Oh! Je ne tiens pas à vous donner tous les détails de la cérémonie mes enfants. Vous êtes bien jeunes. Si cela vous intéresse, vous serez un jour initiés.

Pour ne pas avoir à dévoiler la cérémonie, on ne peut révéler ce qu’on ne sait pas, Malice s’installa à la belle étoile. Il attendit. Attendit. “Trò prese pa fè jou louvri” (Tout vient à point qui sait attendre). Il attendit jusqu’à ce que la lune s’occulte, se transforme en soleil derrière le ciel et entrouvre un œil à l’horizon.

Comme d’un œuf bien couvé, Bouki se débattit en sortant du djévo la tête propre, bien rasé, tout frais, pimpant, vêtu flambant neuf. Il vit Malice sous le soleil et s’esclaffa. “Ha, ha! Ha, ha! Malice compère, où étais-tu? Comment vas-tu? J’ai l’idée que tu m’as manqué. Il y a si longtemps que je n’ai pas subi une de tes malices, quelquefois tu vas fort, mais tu es mon ami.“

Quoiqu’étonné, Bouki heureux comme une souris dans la farine de cassave, prit chaudement son compagnon dans ses bras.

-Comment vas-tu? répétait-il. Tu ne dis rien Malice? Tu as perdu la parole? J’espère que tu n’es pas malade au moins?

Malice la bouche grande ouverte, n’en revenait pas. Il se laissa tombé dans les bras de son ami en pleurant.

-Tu n’auras plus à supporter mes méchancetés Bouki. Tous les jeux sont des jeux, mais « Fourrer un morceau de bois dans les fesses d’un macaque » n’est pas un jeu. À partir d’aujourd’hui, je te respecterai comme je veux moi-même être respecté. Je suis tellement content de te retrouver. Je viens de passer un mauvais moment qui m’a convaincu qu’il ne faut confondre la gentillesse à la couillonaderie. C’est un bon sens de l’esprit et mon nom Malice, en vérité, veut dire bien utilisé son intelligence. Dorénavant, je me promets d’être bienveillant avec ceux et celles qui me traitent correctement… et même les autres. Yé krik!”

-Yééééé kraaaak! répondirent la petite troupe toujours attentive.

Par don est le don

“-Bouki ne se souvenait de rien du tout. Il trouvait bien étrange et bizarre le changement soudain de son ami. Qu’est-ce qu’il racontait? Était-il devenu fou Que s’était-il passé? Oh! Et puis, que de fois il avait souhaité que Malice soit plus agréable à son égard! Le Gros-Bon-Ange, L’Esprit Supérieur l’avait certainement entendu. Il n’en revenait pas de l’attention de Malice, mais ne se posa pas de question. “Bondye padone, nèg pa padone” (Le bon Dieu pardonne, le nègre ne pardonne pas) est le dicton haïtien. Bouki n’était pas un nègre comme les autres. Il était ce qu’on appelle un Grand Nègre. Une personne quelque soit sa race, digne, simple, d’une indulgence plénière, empreint de nobles aspirations, naturellement honnête, un être d’une rare droiture qui ne se laisse pas attarder dans le passé et vit totalement au présent. Le seul cadeau de la vie. Il préféra se promettre de désormais s’habituer à la véritable amitié de son compère.

-Oui! La bienveillance, la bonté et gentillesse sont des qualités magiques! conclut M. Alexis en éclatant de rire. Krik!”

-Krak!

Damida et les autres enfants restèrent babas devant ce miracle. Des questions brûlantes sur la religion Vodou bousculaient leurs jeunes cervelles. Bouki ressuscité? La datura un poison qui tue, à la portée de tous dans la nature? Les manbos avaient-elles le pouvoir miraculeux de Jésus? Que s’était-il passé dans le ounfò?

-Un jour vous comprendrez que seule cette religion est notre tradition racinienne. Elle est le souffle et l’âme de l’Afrique, murmura Jean-Daniel en se déployant le corps.

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