A l’époque où il a vécu à Bénarès, Kabir Sahib avait l’habitude de dispenser toutes ses soirées à nourrir et à servir des saints hommes, et ainsi, en leur compagnie , il jouissait de la grande élévation de leurs pensées. Mais il arriva qu’un soir, un certain nombre d’entre eux lui rendirent visite ; or, il ne restait plus un seul morceau de pain dans la maison, et par ailleurs, Kabir n’avait plus un sou en poche. Se rendant alors auprès de sa fidèle épouse Mai Loi, il lui demanda si elle ne connaissait pas un moyen d’obtenir de la nourriture. Celle-ci lui a répondu: « L’homme qui tient l’échoppe, en bas de la rue, dans le bazar, pourrait sans doute nous fournir à crédit quelques provisions. Ne crois-tu pas que je devrais y aller ? » Kabir acquiesça à cette idée et Mai Loi se dépêcha de descendre jusqu’au bas de la rue. Quand elle demande un crédit au marchand, il sourit d’un air sournois et lui dit : « Mai Loi, ce serait un grand plaisir pour moi de vous donner toute la nourriture dont vous avez besoin, mais à une seule condition : c’est que vous veniez cette nuit, chez moi. » >> Mai Loi resta silencieuse pendant que le marchand la servait et lui procurait les provisions qu’elle désirait. Rentrant rapidement chez elle, elle se mit à préparer le dîner pour leurs hôtes et, pendant ce temps, raconte à Kabir tout ce qui vient d’arriver.
Quand la nuit fut tombée, au bout de plusieurs heures. Kabir lui rappela que le moment était venu pour elle d’aller s’acquitter de sa dette auprès du marchand, et en même temps il lui dit : . Ne t’inquiète pas, car tout se passera comme il faut. Les choses se déroulent ainsi, parce que c’est précisément de cette façon très particulière que je souhaite conduire cet homme sur le vrai chemin. » Puis quand elle fut prête, il ajouta : « Il pleut maintenant, et je vois que la rue est pleine de boue. Monte sur mon dos et je te porterai jusqu’à ton rendez-vous. » Ils atteignirent rapidement la maison du marchand et Mai Loi y entra, alors que Kabir, resta dehors, l’attendant à la porte. Ravi de la voir, et ne parvenant pas à croire à sa bonne fortune, le marchand remarqua néanmoins que, malgré la pluie, les sandales de Mai Loi n’avaient pas de boue et ne semblaient même pas humides. Il lui dit alors : « Comment se fait-il que vous ayez marché d’un bout à l’autre de cette rue boueuse, et qu’il n’y ait pas la moindre trace de boue sur vos sandales ? « Il n’y a rien d’extraordinaire à cela, mon ami » répondit-elle. « Kabir, mon mari, m’a portée jusqu’ici sur son dos, et il est dehors, à la porte, en train de m’attendre. En entendant prononcer le nom du grand Saint, le marchand se sentit tout à coup envahi par la honte. Allant jusqu’à la porte, il supplia Kabir d’entrer à l’intérieur de la maison pour se sécher. Puis, tombant à ses genoux, il implora en même temps Kabir et Mai Loi de lui accorder leur pardon. « Relève-toi, mon bon ami » lui dit Kabir. « En vérité, rare est celui qui ne s’écarte jamais du chemin. » Kabir et sa femme prirent congé de lui, et, resté seul assis dans son coin , le marchand, jusque tard dans la nuit, se mit à réfléchir à ce qui venait d’arriver. Et finalement, il en arriva à la conclusion qu’il n’y avait dans ce monde qu’un seul vrai chemin, celui du disciple qui suit son Maître.
Le lendemain matin, il alla trouver Kabir et devint l’un de ses plus fidèles disciples.
« Du péché, il est le Rédempteur ; de l’égaré, il est le guide. GURU TEG BAHADUR